No. 63/4    décembre 2010

 

Olivier Cavé

Sur les traces de Muzio Clementi

par Vincent Arlettaz

 

A l'entendre, Olivier Cavé est un homme heureux. Un bonheur qui ne masque pas une certaine fragilité, mais qui sait aussi se faire hautement communicatif. En automne 2010, il présentait à la presse son nouveau disque, consacré à des oeuvres pour piano de Muzio Clementi. Clementi... Qui d'entre nous n'a pas en mémoire ses études et autres sonatines, pièces pour pianistes débutants dont les mélodies naïves tournent encore en boucle dans notre oreille, comme un écho d'heures de supplice enfin oubliées? Et pourtant... Admiré par Beethoven, décrié par Mozart qui en fut sans doute jaloux, Clementi compte parmi les créateurs du clavier moderne. Les oeuvres de ce nouvel enregistrement surprendront l'auditeur par leur diction d'une parfaite élégance, leur style à la fois châtié et dramatique, telle la sonate à programme «Didone abbandonata». Au carrefour des périodes baroque, classique et romantique, Clementi mérite assurément mieux que l'oubli dans lequel il s'est aujourd'hui enlisé. Pour nous faire comprendre ce qu'il aime dans cette musique, Olivier Cavé n'a pas ménagé sa peine. C'est à Rome, ville où Clementi est né et a vécu ses premières années, que nous l'avons rencontré. L'espace de deux jours, à son invitation, les plus grands spécialistes nous ont aidés à voir plus clair dans cet étrange phénomène qu'est Clementi. Anselm Gerhard, professeur à l'Université de Berne et auteur d'un ouvrage de référence sur la question, était du voyage; il nous a rappelé que, tout à la fois virtuose, compositeur, éditeur et fabricant de pianos, le maître romain est un des premiers musiciens de l'histoire à avoir vécu dans l'indépendance financière, sans être tributaire du patronage de l'aristocratie. Pour l'accompagner, plusieurs spécialistes italiens faisaient également part de leur expérience: Andrea Coen, pianofortiste éminent, professeur à l'Academia Santa Cecilia de Rome, et Roberto de Caro, éditeur des oeuvres complètes de Clementi. En point d'orgue du séjour, Olivier Cavé nous a interprété la sonate «Didone abbandonata», sur un piano «Clementi» de 1820, légué par le compositeur lui-même à l'Academia Santa Cecilia. Un vent nouveau a-t-il donc commencé à souffler pour le compositeur mal-aimé? C'est tout le mal que l'on peut souhaiter à son jeune et enthousiaste interprète!

 

RMSR: Olivier Cavé, vous êtes né en Valais?
Olivier Cavé: Oui, à Martigny. Très lointainement, la famille est d'origine française, mais établie en Suisse depuis de nombreuses générations. Et ma mère est napolitaine...

Où avez-vous effectué vos études musicales?
J'ai commencé en Valais, où j'ai également suivi ma scolarité obligatoire; puis, dès l'âge de 13 ans et demi, j'ai travaillé au Conservatoire de Lausanne avec Christian Favre, pendant deux ans. J'ai obtenu là, à l'âge de 15 ans, mon diplôme -- malheureusement incomplet, car je n'ai jamais eu le temps de terminer les branches théoriques. Simultanément, j'étais scolarisé dans une école privée à Lausanne, ce qui m'a permis de mener de front les deux cursus. Ensuite, une fois entré dans le système éducatif italien, mon temps a été totalement absorbé par le piano. Mon but était de devenir concertiste, et il me fallait tout miser là-dessus; je n'avais pas vraiment le choix.

Pourquoi l'Italie?
Vers l'âge de 15 ou 16 ans, j'ai fait la rencontre de Maria Tipo, qui est devenue mon maître. J'ai d'abord suivi à Genève l'enseignement de son assistant, Neslon Goerner qui, pendant une année et quelques mois, m'a préparé à l'entrée dans la classe de Maria Tipo. L'examen d'admission, que j'ai présenté à l'âge de 16 ans, était très exigeant!

Combien de temps êtes-vous resté chez elle?
Une dizaine d'années; tout d'abord, il y a eu l'enseignement académique, qui a duré trois ans. Puis, je suis resté en contact étroit avec elle, je la voyais très régulièrement. Pendant dix ans, je n'ai pas eu d'autre maître. Elle a aujourd'hui près de 80 ans.

Vous avez donc résidé très tôt en Italie?
Pas tout de suite: de l'âge de 17 à l'âge de 22 ans, j'habitais encore en Valais, dans ma famille, et je me rendais régulièrement à Fiesole. Par la suite, j'ai habité Florence. Sous la conduite de Maria Tipo, j'ai obtenu ce que l'on appelle le «alto perfezionamento», soit le plus haut titre académique, mais toujours sans diplôme! Heureusement, vu mon parcours ultérieur, cette lacune n'est pas trop dommageable.

Mais vous avez travaillé également avec Aldo Ciccolini?
Suite à un concert que j'ai donné à Milan, l'agent d'Aldo Ciccolini m'a approché; elle m'a dit: «Il faut absolument que tu rencontres Aldo!». Elle était très enthousiaste. J'ai eu la chance de faire sa connaissance à Naples, et ce fut une très belle rencontre. C'est un véritable ami, avec lequel je me suis préparé à toutes mes échéances dès lors. Je le rencontre régulièrement; il habite Paris, mais je le vois toujours à Naples, où il a un groupe d'amis fidèles. Ce sont d'ailleurs pour la plupart des pianistes amateurs; je crois qu'il préfère presque leur fréquentation à celle des pianistes professionnels, car ils n'ont rien à prouver. Aldo est napolitain, il reste dans la ville quelques jours; on vit ensemble, on fait de la musique ensemble. C'est un peu étrange: avec lui, je crois que j'apprends plus en parlant qu'en jouant! Lorsque Aldo Ciccolini parle des dernières sonates de Beethoven, c'est un privilège de l'entendre!

Après vos études musicales, avez-vous tenté votre chance dans les concours?
C'est un passage obligé; je dois dire que les premiers concours m'ont beaucoup plu; j'étais très jeune, j'avais 17 ou 18 ans et je suis arrivé en demi-finale du concours Casagrande, près de Rome. Je sentais un réel enthousiasme, mais rapidement, la philosophie de l'exercice m'a dépassé: le but d'un concours est d'écraser la concurrence, c'est affreux si l'on y réfléchit! Lorsque la conscience et la maturité viennent, c'est une catastrophe. Pour ce qui concerne le concours de Casagrande, mes nerfs ont finalement lâché. Tout cela est juste incompatible avec l'amour de la musique que m'ont révélé les grands artistes que j'ai eu le bonheur de rencontrer...

 

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Revue Musicale de Suisse Romande décembre 2010

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