No. 63/1    mars 2010

L'Université des Arts de
Tokyo

Université des Arts de Tokyo     Tokyo

Fondée en 1887, l'Université des Arts de Tokyo (Tokyo Geijutsu Daigaku) dispense une formation professionnelle en sculpture, céramique, peinture (japonaise ou non), laque, conservation du patrimoine, &c., sans oublier la musique. Ici, une leçon de shamisen.

Peut-on prétendre connaître le Japon? On peut le désirer en tout cas. Voilà maintenant sept ans -- hasard ou non -- que je m'y rends presque chaque année pour participer à des festivals de musique classique. Depuis 2003, le printemps me voit débarquer à Narita -- l'aéroport international de Tokyo -- avec mes collègues choristes de l'Ensemble Vocal de Lausanne. Ce que j'ai pu y voir en tout cas, c'est que le Japon n'est pas un pays de fantaisie: au moment de passer le contrôle de l'immigration, il me faut déposer mes empreintes digitales sur un senseur électronique, sous le regard impassible de l'employée; par crainte des contagions, celle-ci porte sur le visage le fameux masque de protection blanc, qui est arrivé depuis peu chez nous avec la psychose de la grippe porcine; sourit-elle au moins un peu? Je ne vois que ses yeux, qui scrutent mes documents d'identité, et ses mains fébriles, qui détachent le coupon du visa pour le réagrafer sur mon passeport. Le Japon, maintenant, me connaît, un peu. Mais qu'est-ce que je connais du Japon?

Parcourir la moitié de la planète, dissiper dans l'atmosphère tant de kérosène, pour donner ici le même concert qu'à Lausanne ou à Marseille, cela ne me satisfait plus. J'ai aujourd'hui l'envie de ne pas glisser, de comprendre un peu mieux ce pays, son histoire, ses rêves. Depuis mon premier voyage en 2003, j'ai visité beaucoup de temples, de jardins, de musées; j'ai vu de nombreuses villes et parcouru l'archipel du Nord au Sud, de Sapporo à Fukuoka. Les traces du passé qui se sont effacées m'intriguent. Il reste certes des lieux épargnés: le sentier des philosophes à Kyoto, bordé de sublimes temples médiévaux; le château d'Himeji, poétiquement surnommé «le héron blanc»; la baie de Matsushima, avec son chapelet d'îlots qui s'étendent à l'infini dans la lumière du soleil couchant; ou encore le torii, le fameux portail vermillon du temple de Miyajima, dont les pieds trempent dans l'eau de mer, face aux montagnes couvertes de forêts obscures: je sais maintenant que ce ne sont là que des cartes postales. Le Japon d'aujourd'hui est un pays occidentalisé; de leurs anciens quartiers, les villes n'ont presque rien gardé: les maisons de bois à deux étages ont virtuellement disparu, les rivières sont endiguées de béton, et chaque rue est plantée d'immenses pylônes portant une forêt de fils électriques et de transformateurs hideux. Dans les bars, les ascenseurs et les jardins publics, la musique n'est pas différente de chez nous. Mais peut-être n'est-ce là que la partie visible de l'iceberg? (...)

 

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RMSR mars 2010

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(page mise à jour le 30 mars 2010)