Le syndrome de Sisyphe
Allons bon! A peine une difficulté est-elle surmontée que la suivante surgit hors de sa boîte: suite à la chute des marchés financiers en automne dernier, voici que tous les experts sont unanimes à nous annoncer une crise sans précédent. La presse écrite, nos bons vieux journaux, imprimés sur du bon vieux papier, en feront paraît-il les frais: la baisse des recettes publicitaires, la diminution du pouvoir d'achat vont remettre en cause ce modèle traditionnel d'information, au profit d'internet, déjà très présent dans tous les foyers et toutes les entreprises. Décidément, il ne fait pas bon vivre de sa plume par les temps qui courent! Mais une telle fatalité est-elle inéluctable?
S'il y a crise, à notre sens, c'est bien celle de nos valeurs: la faillite économique n'est qu'une conséquence de la faillite du contenu. C'est pour avoir certainement trop parlé argent, trop pensé argent, trop rêvé argent que notre monde occidental si productif, si efficace, se retrouve aujourd'hui dans l'impasse. Faire fortune vite, avec n'importe quoi, était le credo de plus en plus répandu. C'est cette absurdité, et non pas les indices du marché, qu'il est aujourd'hui urgent de corriger. En redonnant leur vraie place aux valeurs fondamentales. La musique, comme la solidarité et l'esprit d'ouverture, en fait certainement partie. Parler plus de beauté et moins de dollars pourrait être un remède, par les temps durs qui s'annoncent.
Après sa restructuration de l'automne 2006, la Revue Musicale a bien profité des deux dernières années pour se refaire une santé, suivre une cure de jouvence et alléger sa structure, dans la conviction qu'une barque plus légère est moins vulnérable. Ses recettes d'abonnement ont progressé de plus de 30% depuis 2006, et si ses revenus publicitaires sont effectivement en recul, ses frais sont maîtrisés, ses salaires en augmentation. Alors, est-elle prête à affronter l'orage, comme elle a affronté déjà deux chocs pétroliers et de multiples autres crises? C'est dans la mesure où nos abonnés et nos généreux mécènes (au premier rang desquels, la Loterie Romande) croient en notre projet et nous soutiennent qu'elle continuera à leur apporter ce qu'elle croit avoir de meilleur pour eux, en sons et en couleurs. Car la musique, si elle n'a pas l'honneur d'être un produit structuré, a l'avantage d'être un bien renouvelable et une valeur durable.
Vincent Arlettaz
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