L'Heure Suprême

(éditorial de notre numéro de septembre 2020)

Vincent Arlettaz

La présente édition, notre troisième numéro de l’année 2020, aurait dû paraître en septembre, mais nous avons décidé de retarder sa publication de quelques semaines -- notamment en raison de l’évolution constante de la situation sanitaire, et des contraintes qui en découlent pour les artistes et les organisateurs de concerts. Si l’on pouvait, en juillet et en août, voire encore en septembre, espérer une normalisation des conditions de travail pour l’automne, il est clair (mais depuis peu) qu’il n’en sera rien: partout, la nervosité est à nouveau palpable; tous attendent -- depuis le mois de mai déjà, mais cette fois plus sérieusement -- l’arrivée de la fameuse «deuxième vague» de Coronavirus.

Ainsi, en septembre, le Conseil Fédéral imposait une quarantaine de dix jours aux voyageurs arrivant en Suisse en provenance de certains pays considérés comme «à risque»: France, Angleterre, Belgique, Pays-Bas, Espagne, et plusieurs régions d’Italie, d’Autriche ou d’Allemagne (avec, heureusement, certaines dérogations pour les artistes). Chez nos voisins français, le gouvernement vient même d’introduire dans plusieurs villes un très étrange «couvre-feu» sanitaire, de 21 heures à 6 heures du matin. Reports et annulations ont donc repris de plus belle, mettant encore plus à mal notre tissu social, culturel et associatif.

Les semaines qui viennent constitueront sans doute «l’heure suprême»: si le nombre de victimes, très faible en Suisse depuis le mois de juin (140 morts en quatre mois, contre 6’000 pour les cancers), devait repartir significativement à la hausse, nous le saurons rapidement. S’il reste modéré, c’en sera probablement fini du Coronavirus de 2019, l’immunisation collective étant désormais arrivée à maturité; il n’est donc pas impossible que notre numéro de décembre nous permette de tourner enfin la page. En attendant, notre pays échappe (provisoirement?) aux mesures les plus radicales: concerts et spectacles peuvent continuer, certes au prix de procédures d’une grande lourdeur, mais sans interrompre le travail de reconstruction entamé en août. Reste le plus réjouissant: le public est là, dynamique, solidaire, reconnaissant. Les artistes en ont bien besoin.


Vincent Arlettaz

 

 

Mise à jour du 2 novembre 2020

Le texte que l'on peut lire ci-dessus (l'éditorial de notre troisième numéro de 2020) a été rédigé le 20 octobre. Depuis, la situation sanitaire a évolué de manière si rapide que, lorsqu'il est sorti de presse et a été envoyé à nos lecteurs, une semaine plus tard, le contexte avait déjà totalement changé. Ainsi, en Suisse, les concerts sont à nouveau interdits (au-delà de 50 personnes) par une décision du Conseil Fédéral du 28 octobre. En Valais, les musées et les bibliothèques sont même fermés, et les visites aux résidents des maisons de retraite sont totalement suspendues. En France, la situation est pire encore, avec un nouveau confinement, à peine moins dur que celui du printemps, décidé le 28 octobre. Les dégâts à la culture, dont on pouvait espérer encore cet été qu'ils resteraient limités, reprennent donc de plus belle. L'addition, à terme, sera extrêmement lourde pour les milieux musicaux, pour l'art en général.

Pourtant, de nombreux signes semblaient montrer de manière assez claire que la situation d'aujourd'hui ne peut en rien se comparer à celle du printemps. Les malades admis actuellement en hôpital (selon des déclarations faites par nombre de médecins depuis des semaines) sont bien moins sévèrement atteints. D'autre part, aucun gouvernement ne paraît être actuellement conscient des terribles dommages à long terme du confinement: des pans entiers de l'économie vont être ruinés; le chômage va exploser. Des millions de pauvres ont déjà été créés, pauvres dont l'espérance de vie va chuter darmatiquement, et dont on retrouvera bientôt des milliers parmi les sans-abris qui, année après année, meurent dans l'indifférence la plus totale. Il y a là une contradiction que je ne puis comprendre.

Vincent Arlettaz

 

 

Anciens éditoriaux web:

fondue_miracle.html (2001)

Le Monde de la Musique en Suisse (2006)

La vie commence à soixante ans (2007)

La Revue Musicale fête ses 60 ans à Chillon (mars 2008)

Henri Cornaz (1920-2008) (septembre 2008)

Le syndrome de Sisyphe (mars 2009)

Dix ans (mars 2011)

65 ans (mars 2013)

Entrer en résistance (mars 2015)

Dix ans après... (mars 2017)

HEM en péril (décembre 2017)

Fidélité (mars 2018)

Une nouvelle vie (décembre 2018)

Renaître (août 2020)

 

Loterie Romande

 


 

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(page mise à jour le 2 novembre 2020)