No. 61/1    mars 2008

Numéro spécial «60 ans»

Les musiques de
la Cour de Savoie

par Vincent Arlettaz

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A la mémoire de mon père,
Amédée Arlettaz (1931-2005)

 

Après avoir quelque peu occulté son passé féodal, la Suisse Romande aime aujourd'hui à se souvenir des périodes qui précèdent son appartenance à la plus vieille démocratie du monde. C'est même avec passion que nos contemporains redécouvrent le patrimoine considérable qui nous a été légué par nos prédécesseurs médiévaux: on se plaît à imaginer la vie des châtelains de Chillon, de Gruyères ou de Romont, des seigneurs de Valère, des constructeurs des cathédrales de Lausanne, Fribourg ou Genève; on se souvient aussi que les communautés alpines, que ce soient celles de notre pays romand, des départements limitrophes de Savoie et de Haute-Savoie, mais aussi du Val d'Aoste voisin, il n'y a pas si longtemps, ont partagé un destin commun. Avant d'être une frontière nationale, les Alpes ont en effet été un redoutable obstacle naturel, une sorte d'ennemi collectif qui, paradoxalement, unissait les populations vivant sur ses différents versants. Malgré les distances instaurées progressivement par l'histoire politique, économique ou confessionnelle, ces populations ont aujourd'hui encore plus en commun qu'on ne l'imagine souvent -- dans leur culture, leurs parlers, et surtout dans leurs manières d'être et de penser.

Pour une région comme le Pays de Vaud, la période savoyarde représente autant par sa durée que l'occupation bernoise, plus même que son existence comme canton suisse. Fribourg et le Valais, bien qu'échappant en fin de compte à la domination savoyarde, ont été profondément marqués par leur contact avec la principale puissance féodale de l'Ouest de l'arc alpin. Et même Genève, rapidement parvenue au stade de ville indépendante, fut pendant plusieurs siècles un partenaire privilégié de l'ascension de la dynastie des Blanches-Mains. Connaître ce passé féodal, c'est se donner une chance de mieux comprendre l'héritage qu'il nous a légué, de le mettre aussi en valeur pour le plaisir de tous. Or, si le touriste traversant notre région ne peut manquer d'y admirer les nombreux vestiges de l'architecture médiévale, si des restes de ce prestigieux passé demeurent en nombre non négligeable dans nos musées, en revanche, la brillante vie musicale de la cour de Savoie a disparu depuis longtemps sans laisser de trace visible. Elle ne le cède pourtant en rien à l'architecture ou à la peinture, loin s'en faut. Le présent numéro spécial se fixe pour but d'en faire entrevoir la richesse.

S'il est une date symbolique entre toutes pour l'histoire de la musique dans les Etats de Savoie, c'est bien celle de 1434: cette année-là en effet, la plus fascinante figure politique du duché, Amédée VIII (le futur antipape Félix V) marie son fils Louis à la belle Anne de Lusignan, princesse de Chypre. Se déroulant à Chambéry, la cérémonie attire non seulement le gratin de la société savoyarde, mais aussi le très puissant voisin Philippe le Bon, duc de Bourgogne, qui apparaît dans tout le faste et le raffinement de sa cour, artistes et musiciens compris. Soucieux de faire aussi bien que son neveu Philippe, Amédée, qu'on a pu définir comme un pragmatique plus que comme un somptueux, s'efforce de réunir un personnel à la hauteur de l'événement: la musique sera dirigée par Guillaume Dufay lui-même, maître des maîtres du XVe siècle. Surgissant presque du néant, la chapelle du duc de Savoie fit grande impression, au point que les chantres bourguignons eurent à coeur de se mesurer à elle. Parmi les 200 personnes de la suite de Philippe le Bon, on relève tout particulièrement la présence du musicien Gilles Binchois, l'autre figure dominante de ce début de XVe siècle. Cette rencontre d'artistes au sommet sera plus tard commémorée par Martin le Franc, poète et secrétaire d'Amédée VIII, un auteur devenu lui-même célèbre auprès des historiens de la musique: témoin avisé de son temps, certainement en contact direct avec Dufay lui-même, Martin le Franc rappellera dans son poème allégorique Le Champion des Dames (1440-42) l'influence décisive que les compositeurs anglais autour de Dunstable ont exercée sur leurs contemporains du Continent. A cet instant, la cour de Savoie apparaît véritablement comme le creuset auquel sera fondu le nouveau langage musical, porté ensuite à son apogée par plusieurs générations d'artistes franco-flamands, d'Ockeghem à Willaert.

Au-delà de la circonstance immédiate, c'est l'ensemble du XVe siècle qui apparaît comme la période de splendeur de la musique à la cour de Savoie. Loin d'être due au hasard, cette floraison artistique unique est le fruit d'une ascension régulière de plusieurs siècles, ascension qui a permis à un Etat alpin aux origines modestes d'accéder à la prospérité et de s'ouvrir aux beautés de la civilisation européenne la plus raffinée. Avant d'aborder les questions musicales proprement dites, il est donc intéressant de se pencher un instant sur l'histoire générale, sur les circonstances géographiques, sociales et économiques qui sont à l'origine du petit miracle du XVe siècle.

 

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(page mise à jour le 30 juillet 2008)