No. 55/4    décembre 2002

 

Editorial

Ce siècle avait deux ans

par Vincent Arlettaz

 

Non, décidément, je n'arrive pas à m'y faire: est-il donc vrai que l'année 2002, qui me semble à peine commencée, arrivera à son terme dans quelques semaines?

Rien d'alarmant toutefois: cela signifie seulement que les douze derniers mois ont été bien remplis. C'est ma foi vrai. Mais rassurez-vous: entre deux éditoriaux, j'aurai eu le temps de me tenir au courant des nouvelles de ce monde -- et même de me divertir parfois. Par exemple, récemment encore, j'ai revu à la télévision deux chefs-d'oeuvre d'un génie dont on fêtait cette année justement le bicentenaire: Notre-Dame de Paris et Les Misérables.

Fascinant romantisme! Vibrant, excessif, irritant parfois... Prenez le cas du héros des Misérables, Jean Valjean: on a beau savoir que la justice de l'époque avait la main bien plus lourde qu'aujourd'hui, il reste difficile de croire qu'un homme ait pu passer vingt ans de sa vie au bagne pour le vol d'un morceau de pain! En forçant le trait de la sorte, Victor Hugo désirait sans doute rendre son récit plus émouvant pour ses lecteurs. A nos yeux toutefois, il y a des chances qu'il en soit devenu moins crédible...

Et pourtant... Et pourtant, le romantisme reste unique. Ses couleurs sont peut-être -- plus souvent qu'à leur tour -- fausses: mais quelles couleurs! Quel éclat, quelle générosité! En nos temps de matérialisme forcené, de routine bureaucratique ou d'intellectualisme stérilisant, comment pourrait-on imaginer ne pas se régénérer parfois à cette source lumineuse?

Je parlais, fort présomptueusement sans doute, de littérature. Comment éviter maintenant de parler de musique?

L'art d'un Beethoven, d'un Berlioz, d'un Brahms ou d'un Dvorák, par la richesse de sa palette harmonique et de ses couleurs orchestrales, est bien le pendant des chefs-d'oeuvre d'un Goethe, d'un Corot ou d'un Baudelaire. Il est vrai, nous avons découvert ces dernières décennies les richesses fabuleuses des musiques médiévales, renaissantes, baroques ou contemporaines; mais malgré cela, le XIXe siècle reste bien le fondement de notre culture musicale; et quand il nous parle de Faust, d'Othello ou d'Iseut, c'est de nous-mêmes qu'il parle, de nos aspirations, de nos faiblesses, de nos enthousiasmes ou de nos désillusions.

Sans doute Karl-Anton Rickenbacher a-t-il raison lorsqu'il souligne le besoin qu'a le public de cet «aliment de base» que constitue le grand répertoire (voir page 11). Le Septembre Musical de Montreux-Vevey, dont il est le nouveau conseiller artistique, et qui s'apprête à renaître de ses cendres, est merveilleusement placé pour mettre en valeur ce patrimoine. S'il sait éviter les éternels écueils que sont la routine et l'élitisme, s'il sait faire également leur place aux autres répertoires -- qui n'ont plus à démontrer leur intérêt -- il pourrait bien devenir la grande fête musicale, à la fois classique et populaire, dont notre région a besoin.

 

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rmsr

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