No. 78/3   septembre 2025

 

Gabriel Pierné et Maurice Ravel

Par Jean-François Monnard

Gabriel Pierné

Fig.1: Gabriel Pierné (1863-1937). Originaire de Metz, il fut compositeur et chef d'orchestre, dirigeant les Concerts Colonne de 1903 à 1933. Parmi les nombreuses oeuvres qu'il créa figurent L'Oiseau de Feu de Stravinsky et Iberia de Debussy. Photographie de 1898.

 

Au premier abord, rien de comparable: né en 1863, Gabriel Pierné a pour compagnon de conservatoire Claude Debussy qui a un an de plus que lui. Il étudie la composition chez Massenet et l'orgue auprès du vieux père Franck. «Pierné est, en quelque sorte, viscéralement pourrait-on dire, le fils naturel de Massenet. Alors que de Franck il est le fils spirituel». Il se trouve que Ravel, le cadet, dont on commémore cette année le 150e anniversaire de la naissance, est un élève de Fauré qui a succédé à Massenet à la chaire de composition du Conservatoire. De plus, il s'inscrit sous la bannière de Chabrier. Pierné remporte deux ans avant Debussy son Prix de Rome, alors que Ravel échoue à cinq reprises. En 1924, Pierné est nommé membre de l'Académie des beaux-arts au fauteuil de Théodore Dubois; Ravel, lui, aura lutté jusqu'à la fin de sa vie contre l'emprise officielle et ne se voyait pas avec un bicorne. Au pupitre de l'Orchestre des Concerts Colonne, comme suppléant d'abord puis, de 1910 à 1932, comme président-chef d'orchestre, Pierné est considéré; Ravel, «le pauvre, se noyait chaque fois qu'il dirigeait» (Sergiu Celibidache). Et pourtant... Le fait que les deux compositeurs disparaissent la même année, en 1937 (dix-neuf ans après Debussy), invite à y regarder de plus près pour découvrir des rapprochements insoupçonnés. A l'évidence, des goûts semblables ont été à la base d'une relation amicale.

Histoires de compositeurs sans coups d'éclats, ni coups de tonnerre: Pierné est un homme de nature sensible. A la Villa Médicis, on le surnomme «l'ange Gabriel». Avec sa figure d'angelot, qui à dix-huit ans n'en paraît que quinze, il fera montre toute sa vie d'une sincérité bon enfant. Ravel aussi: il n'a jamais accédé au monde adulte. On ne lui connaît pas de véritables ennemis. Indulgent aux ingratitudes, sa conduite est dictée par un souci de courtoisie et de rectitude. Son caractère ne laisse aucune place au ressentiment. Chez lui, tout esprit de vengeance est banni. Il a en commun avec Pierné ce besoin de défendre avec vigueur les causes qui lui paraissent justes. Par ailleurs, ils sont l'un et l'autre pince-sans-rire. D'une espièglerie sans nom. De plus, ils détestent la paperasserie administrative. Pierné parlait du «fonctionnarisme» nuisible au métier. «C'est la mort de la musique», disait-il...

 

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RMSR septembre 2025

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