No. 69/4    décembre 2016

 

Manon de Massenet

au Grand Théâtre de Genève

Par Jean-Christophe Branger

Manon de Massenet, Grand Théâtre de Genève

Patricia Petibon (Manon Lescaut) et Bernard Richter (Des Grieux). © GTG / Carole Parodi

 

Invité régulier du Grand Théâtre, Olivier Py fait un retour remarqué sur la scène genevoise après six ans d’absence, dans une nouvelle production fort attendue de 'Manon' (1884), opéra-comique de Jules Massenet (1842-1912), avec Patricia Petibon dans le rôle-titre, les décors et costumes étant signés par Pierre-André Weitz.

A travers un dispositif unique, mais ingénieux et constamment renouvelé afin de coller au plus près des lieux de l'action, les protagonistes -- tels des animaux qu'ils représentent parfois en portant le masque d'un porc -- évoluent dans une boue, constamment présente, à la fois souillée et féconde; de nombreux épisodes se déroulent, en outre, sous une pluie aux vertus sans doute purificatrices. Car le propos d'Olivier Py est limpide: dans un cadre atemporel (malgré de nombreux clins d'oeil à la Belle Epoque), l'auberge d'Amiens est devenue un hôtel de passe, l'Hôtel de Transylvanie un casino, et le Cours-La-Reine une vulgaire salle de spectacles -- avec Manon en meneuse de revues ou d'un spectacle de fête foraine au cours duquel défilent, lors du ballet, une danseuse en tutu avec, à son service, des joueurs de boxe française. Si la question des genres est constamment posée, les femmes portent a priori la culotte, au sens propre comme au figuré: Manon est vêtue à l'acte IV d'un costume de chevalier Louis XV, tandis que Des Grieux se voit affublé d'une robe de la même époque, seul élément trop appuyé d'une mise en scène par ailleurs remarquable et habilement menée (la direction d'acteur étant, comme toujours avec Py, d'une très grande efficacité et jamais nuisible au flux musical). Mais cette lecture n'est qu'un trompe-l'oeil -- comme nous l'indique la boule à facettes lumineuses qui traverse pratiquement toute la mise en scène: en jouant sur les ombres et les lumières, cette boule accentue le caractère artificiel de nombreuses situations, comme elle éclaire notre propre condition. Aux yeux d'Olivier Py, le roman de l'abbé Prévost «définit très bien ce qu'est la condition féminine au XIXesiècle. Les femmes étaient des objets achetés et vendus.» Mais, selon lui, Manon est la seule à prendre «conscience de sa mortalité, de la fugacité du bonheur, du temps qui passe.» Ainsi, en opposition à une réalité mortifère qui finit par rattraper les deux amants, plusieurs épisodes oniriques traversent l'opéra et lui donnent un parfum nostalgique, que distille d'ailleurs en elle-même la partition de Massenet...

 

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RMSR décembre 2016

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