No. 66/2    juin 2013

 

Le départ d'une grande Dame

Ou la fin d'une belle ère musicale

par Jean-Jacques Rapin

 

La veuve de l'éminent chef d'orchestre Wilhelm Furtwängler (1886-1954) vient de nous quitter, à l'âge de cent deux ans. Veuve de guerre et mère de quatre enfants nés de son premier mariage, elle épousa en 1943 celui qui dirigeait les deux premiers orchestres européens de l'époque, la Philharmonie de Vienne et la Philharmonie de Berlin. La jeune femme de 33 ans serait désormais aux côtés de Furtwängler qui luttait alors pour la survie de ses orchestres, malgré les énormes difficultés dues au conflit, aux bombardements et à l'hostilité grandissante du régime nazi. Il avait refusé de quitter l'Allemagne, même si des ponts d'or lui étaient offerts ailleurs, jugeant qu'il était de son devoir de demeurer avec ceux qui devaient vivre sous Himmler et sous Hitler. En 1936 déjà, il notait dans ses Carnets: «La vie est aujourd'hui plus que jamais une question de courage»; et en 1943, en pleine tourmente: «Le message que Beethoven, particulièrement dans la Neuvième Symphonie, adresse à l'humanité, ce message de générosité, de confiance, d'unité devant Dieu, me semble n'avoir jamais été aussi nécessaire qu'aujourd'hui.» En cela, cette forme de résistance intérieure de Furtwängler à son pupitre fait penser à celle de Dietrich Bonhoeffer à sa table, avant d'être dans sa cellule.

Ce n'est qu'en toute dernière extrémité, lorsque son existence fut mise en danger, que Furtwängler demanda à son épouse de trouver un refuge en Suisse. C'est donc elle qui, après quelques recherches, choisit Clarens. Pourquoi Clarens, et non pas Lucerne, Zurich ou St-Moritz? La réponse fait partie des mystères de l'existence, mais -- coïncidence étrange -- Clarens est situé à 80 kilomètres de Genève, où vivait Ernest Ansermet, et cette proximité allait faciliter la relation entre les deux hommes, qui se connaissaient et s'estimaient: Ansermet n'avait-il pas dirigé, en 1922, la première audition berlinoise du Sacre du Printemps? Mais surtout, nul autre chef, même parmi les plus grands, n'était à ce point proche de Furtwängler, par sa position éthique et esthétique face à la crise majeure que traversaient la musique et la société occidentales...

 

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RMSR juin 2013

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(page mise à jour le 5 juillet 2013)