No. 58/1    mars 2005

 

ALFRED BRUNEAU ET EMILE ZOLA

Histoire d'une amitié artistique

par Anne-Catherine Maire

rmsr

Alfred Bruneau, sa femme et sa fille,
photographiés par Emile Zola

 

Dans son ouvrage A l'ombre d'un grand coeur, publié en 1932, Alfred Bruneau (1857-1934) raconte les belles années qu'il passa aux côtés d'Emile Zola (1840-1902). Tout remonte à 1888: un jeune compositeur s'introduit, un peu angoissé, dans le cabinet d'Emile Zola. Il désire mettre en musique La faute de l'abbé Mouret, et se repent presque d'une pareille audace, dans la crainte de son premier contact avec l'écrivain le plus illustre de son époque. L'homme qu'on disait bourru, peu sociable, laisse éclater sa bonté et encourage son timide visiteur. Zola avoue sa connaissance incomplète de la musique et ne demande qu'à se laisser guider dans la découverte de cet art. Alfred Bruneau va avoir une place privilégiée dans le coeur de l'écrivain. Celui-ci avait aussitôt ressenti à son égard plus qu'une amitié, une fraternité d'âme, une communion de pensée, une ressemblance. Bruneau n'aura pas La faute de l'abbé Mouret qu'a retenu Jules Massenet, son ancien professeur. En revanche, Zola lui confiera Le Rêve, puis L'attaque du moulin, Messidor, L'ouragan ou encore L'enfant-roi. Les deux hommes s'enthousiasment, se communiquent leurs idées, les thèmes poétiques qui chantent en eux. Leur correspondance est un faisceau de pensées neuves et généreuses, un mélange de conseils, de suggestions et de confidences. A l'ombre d'un grand coeur nous révèle la dureté des luttes communes qu'ils eurent à soutenir pour faire triompher leur conception de l'art. Tout comme Zola, Alfred Bruneau est un homme de vérité et Zola a retrouvé en ce musicien les qualités qu'il attendait d'un homme de plume: «le sens du réel et l'expression personnelle».

Le Rêve (1890-91)

Ne pouvant céder La faute de l'abbé Mouret à Bruneau puisque l'oeuvre était réservée à Massenet, Zola ne l'oublia pas pour autant et lui proposa Le rêve:

«Ne vous désolez pas. J'écris actuellement un roman qui se prêtera mieux que «l'Abbé Mouret» à une adaptation lyrique et où vous trouverez également une large part de mysticisme. Il sera terminé dans six mois. Vers la fin septembre, nous en recauserons, mais, dès aujourd'hui, il est à vous. Il aura un joli titre: le Rêve.»

«Ainsi prirent racine en mon coeur les sentiments de fervente gratitude qui m'unirent à Zola.», déclare Bruneau. «A la date annoncée, je reçus de mon futur collaborateur un exemplaire du rêve. En quelques heures d'enchantement et d'émotion, je dévorai le cher livre, partagé entre la fierté et la crainte de m'en montrer indigne. Je courus remercier Zola.»

Le Rêve est un drame lyrique qui ne compte ni air de bravoure, ni romance, ni cavatine, ni duos; pas d'ensemble, mais uniquement et d'un bout à l'autre de l'oeuvre un dialogue musical à une ou plusieurs personnes agissant sur un accompagnement de l'orchestre. L'oeuvre s'organise en huit tableaux et rassemble vingt-trois motifs conducteurs tissant sa trame symphonique et conduisant le déroulement du drame. Ces thèmes évoquent des sentiments, des faits, des souvenirs, des désirs, des rêves, des évènements, des émotions, des décisions.... jusqu'à la «Mort» elle-même...

 

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