No. 57/4    décembre 2004

 

Saint-Maurice d'Agaune

Le plus grand carillon de Suisse

par le Chanoine François Roten

rmsr

 

Remontant au VIe siècle de notre ère, l'Abbaye de Saint-Maurice appartient sans doute aux plus anciens hauts lieux de l'art campanaire dans notre région. En se dotant aujourd'hui du premier grand carillon de concert de Suisse, l'auguste monastère innove: devisé à 270 000 francs, et formé de 49 cloches pour un ambitus total de quatre octaves chromatiques, ce nouvel instrument fait franchir un pas important à l'art musical dans notre pays.

Fondée en 515, l'Abbaye de Saint-Maurice a occupé successivement de nombreux bâtiments au cours de son histoire. La partie la plus ancienne des édifices monastiques qui se dressent aujourd'hui encore en Agaune est sans conteste le clocher roman qui domine le complexe abbatial. Elevée au début du XIe siècle pendant l'abbatiat de Burcard (mort en 1031), cette tour romane fut, semble-t-il, bâtie sur les fondations d'une ancienne tour de guet romaine. Les dimensions de l'édifice sont très vastes: un plan quasiment carré de 10 mètres sur 11, pour une hauteur générale de 49 mètres, la flèche dominant de ses 14 mètres la tour proprement dite qui mesure 35 mètres. Le clocher est couronné d'une croix de 2 mètres.

Dans la basilique du XIe siècle, ce clocher servait de porche d'entrée. Son agencement intérieur semble indiquer une destination militaire: escaliers étroits dans l'épaisseur des murs, marches hautes et peu pratiques, passages en angle droit avec plafond forçant à se baisser pour progresser, échelles en bois pouvant être retirées au moyen de poulies sont autant d'éléments qui définissent la tour romane de Saint-Maurice comme tour de refuge et de défense.

Dans la première moitié du XIIe siècle, la menace des invasions s'estompant, on remplaça la charpente de toiture par une flèche de pierre, à la mode de l'époque, renonçant ainsi à la plate-forme supérieure qui servait jusque-là aux hommes en armes assurant la défense de la tour-refuge. On se souviendra en effet que l'Abbaye a été dévastée par les Sarrasins en 940 et qu'en 950, les Hongrois sont repoussés par le roi de Bourgogne dans les plaines de Bex, à quelque 4 kilomètres de Saint-Maurice. La proximité de ces attaques a peut-être poussé les chanoines de l'époque à assurer leurs arrières...

Les premiers témoignages

Quand les premières cloches ont-elles fait leur apparition dans la tour de Saint-Maurice? Les archives abbatiales sont muettes sur ce point. On sait par contre que la plus ancienne cloche datée de Suisse se trouve, encore de nos jours, à Aigle, dans l'église de l'ancien prieuré des chanoines de Saint-Maurice. Elle témoigne du fait que, en 1202, l'Abbaye achetait des cloches pour ses dépendances. Nous sommes donc en droit de penser que les chanoines en avaient aussi dans la maison mère de leur communauté, bien que les sources manquent pour décrire le patrimoine campanaire de l'Abbaye pendant les premiers siècles du deuxième millénaire...

Mentionnons aussi cette charmante légende que nous a transmise une charte du XIIe siècle, en manière de préambule à la copie d'une bulle d'Adrien Ier (pape de 772 à 795): Charlemagne, en visite à Agaune, aurait vu en songe la légion des Martyrs et se serait uni, dans son sommeil, à ses chants. Le saint évêque Altée l'ayant entendu aurait alors tiré l'anneau de la cloche du monastère; les autres cloches se seraient alors mises spontanément en branle, réveillant l'empereur

Retenons de ce récit merveilleux que pour un témoin du XIIe siècle, il semblait normal qu'il y ait des cloches à Agaune depuis fort longtemps.

Le lundi 23 février 1693, un terrible incendie réduisit la ville de Saint-Maurice en un amas de décombres fumants. Le feu n'épargna pas la charpente des cloches et celles-ci, au nombre de sept, selon les documents de l'époque, fondirent si complètement qu'on ne retrouva pas une once de métal...

 

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