No. 55/4    décembre 2002

 

Maurice Denis

et les musiciens suisses

par Delphine Grivel

 

Maurice Denis, peintre français né en 1870 et décédé en 1943, célèbre surtout pour sa participation au groupe symboliste des Nabis et la décoration de la coupole du Théâtre des Champs-Elysées à Paris, fut un fervent mélomane. Visiteur assidu des hauts lieux musicaux, Maurice Denis côtoie dès 1890 les principaux acteurs de la vie musicale française: il est l'ami d'Henry Lerolle, d'Ernest Chausson, de Claude Debussy, de Blanche Selva, de Vincent d'Indy. Par-delà ces relations avec le monde musical bien connues des biographes et spécialistes du peintre, Maurice Denis occupe un rôle important, quoiqu'aujourd'hui méconnu, dans la société musicale de son temps. Son aide active pour l'oeuvre de ses amis -- compositeurs célèbres ou musiciens en marge de la vie artistique -- et son initiative dans la création musicale ou pluridisciplinaire font du peintre un mécène convoité par les musiciens et les interprètes de son temps.

Reconnues par ses amis musiciens, les actions de Maurice Denis en faveur de la vie musicale ne sont pas commentées dans les écrits autobiographiques du peintre. C'est à travers la correspondance manuscrite conservée au Musée Départemental Maurice Denis-Le Prieuré (Saint-Germain-en-Laye) et les écrits publiés des amis du peintre que se dévoile le véritable rôle du mécène. Discrète, la contribution de Maurice Denis à la vie musicale n'en est pas moins déterminante, en particulier celle qui concerne deux musiciens d'origine suisse, Emile Jaques-Dalcroze et Arthur Honegger.

 

I. Maurice Denis et Emile Jaques-Dalcroze

Lors de ses nombreux voyages à l'étranger, Maurice Denis saisit les occasions de se lier au milieu musical autochtone, comme indiqué dans son Journal5. En 1917, il se rend à Genève et visite «un soir l'école de Jaques-Dalcroze»:

«Il y avait un charmant trottinement de jeunes filles aux jambes nues dans cette vaste salle, et ce gros homme [...] s'épuisait à ordonner, selon des rythmes compliqués, les gestes de son jeune troupeau. Les mouvements des jambes sont les plus harmonieux et les plus naturels, la marche, la course, mais les bras!»

L'enthousiasme du peintre pour la méthode d'Emile Jaques-Dalcroze est immédiat; néanmoins, si l'on se réfère exclusivement aux écrits publiés de Maurice Denis, celui-ci n'aurait eu ultérieurement aucun contact avec le musicien. Seule la correspondance conservée au Musée Départemental Maurice Denis-Le Prieuré atteste le précieux soutien de Maurice Denis envers Emile Jaques-Dalcroze. Trois lettres adressées par le musicien témoignent en effet de l'aide du peintre sollicitée par leur expéditeur.

 

1. Les lettres inédites d'Emile Jaques-Dalcroze adressées à Maurice Denis

Dans une lettre écrite au début des années 19207, Emile Jaques-Dalcroze, qui avait introduit en 1919 l'enseignement de la rythmique au Théâtre National de Paris, fait appel à Maurice Denis pour sa création de cours de «plastique animée»:

«Cher Monsieur,

Je viens -- bien indiscrètement -- vous demander un service. Je prends une année de congé pour fonder -- 52, rue de Vaugirard -- des cours professionnels [...] et aussi des cours de Plastique animée, pour artistes peintres et sculpteurs. Or je ne sais comment ni où envoyer des prospectus de ces cours. Je ne trouve pas chez les libraires des listes d'adresses des écoles de peinture, et d'autre part je ne sais à qui écrire pour essayer d'obtenir que l'on place des affiches dans les vestibules. Je vous serais très reconnaissant si vous vouliez bien consentir à m'aider dans cette circonstance -- et peut-être aussi -- à me donner quelques recommandations pour des artistes de votre connaissance auxquels je pourrais envoyer des invitations pour les démonstrations que je vais donner en novembre.»

A Paris, Emile Jaques-Dalcroze convie alors Maurice Denis et ses amis à une séance de caractère exceptionnel, comme nous l'apprend la lettre conservée sous la référence Ms 2903...

 

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